Le prix Women in Art Prize 2025 a été décerné le 17 septembre au Pigott Theatre de la British Library à Londres, confirmant ainsi son statut de l'une des récompenses artistiques les plus prestigieuses du Royaume-Uni. Depuis sa création il y a huit ans, ce prix est devenu une référence en matière de visibilité et de soutien aux talents féminins, et chaque édition réunit des personnalités clés de la culture et de l'art britanniques : artistes, collectionneurs, critiques, journalistes et représentants d'institutions.
Cette année, le concours a franchi une étape décisive en lançant pour la première fois une catégorie internationale, une initiative qui confirme le rayonnement mondial du prix et sa capacité à créer des liens au-delà des frontières du Royaume-Uni. L'atmosphère au Pigott Theatre était empreinte d'enthousiasme et de reconnaissance, non seulement pour les lauréates, mais aussi pour le pouvoir transformateur de donner la parole aux créatrices dans un système encore marqué par les inégalités.

Bianca Raffaella : une artiste qui peint avec la mémoire
La vedette de la soirée était Bianca Raffaella, qui a remporté le premier prix ainsi que le prix de l'estampe pour sa série « Just out of reach – Close; Closer; Closet ». Son œuvre délicate et profondément tactile est créée par le contact direct de ses doigts et de ses pouces sur la toile. Atteinte d'une déficience visuelle, Raffaella peint de mémoire et grâce à son sens du toucher, transformant ainsi l'acte de création en une expérience sensorielle qui remet en question les notions traditionnelles de « vision » dans l'art.
Son parcours est déjà remarquable : elle est la première étudiante aveugle à avoir obtenu un diplôme avec mention de l’université de Kingston, et elle a participé à la résidence de Tracey Emin à Margate. Emin elle-même a déclaré : « Raffaella peint comme elle voit, et je suis immédiatement tombée sous le charme de son travail. » Sa prochaine exposition personnelle à l’Art Academy Southbank, en collaboration avec la Tate Modern, marquera une étape importante dans sa carrière et offrira au public britannique l’occasion de découvrir son langage visuel unique.
Emi Avora : un prix international qui dépasse les frontières
Le prix international, parrainé par la Tryson Collection, a été décerné à l'artiste grecque Emi Avora pour sa peinture « Tout voir d'un seul coup ». L'œuvre, lumineuse et onirique, entremêle des références à son héritage méditerranéen et à sa vie actuelle à Singapour, créant ainsi une pièce riche en interprétations culturelles multiples.
Ce prix marque un tournant pour le Women in Art Prize, qui ne se concentre plus uniquement sur les artistes basées au Royaume-Uni, mais étend sa plateforme aux créatrices du monde entier. Pour Avora, cette reconnaissance lui ouvre les portes des réseaux de collectionneurs et de médias britanniques, un marché historiquement influent dans le façonnement de l'art contemporain international.
Des prix qui célèbrent la diversité et la discipline
La cérémonie a également mis à l'honneur des artistes représentatifs de la pluralité des médiums et des sensibilités présentes sur la scène artistique actuelle : – Judy Clarkson a reçu le prix Paula Rego de peinture pour « Femme à genoux », une œuvre empreinte d'intimité et de force physique. – Rona Bar a remporté le prix Eve Arnold de photographie avec « Lois et sa mère Carey, avant le dîner de Shabbat », un cliché qui dépeint avec tendresse les liens familiaux et la vulnérabilité. – Sally Baldwin a reçu le prix de sculpture pour « Âmes perdues », une œuvre en papier tissé et déconstruit qui invite à la réflexion sur la fragilité humaine et environnementale.

Par ailleurs, le prix Susan Angoy, destiné aux artistes d'origine africaine et caribéenne, a été décerné à Marcia Patterson pour sa série « Dualité – Force et Faiblesse », tandis que Kirsty Bekoe-Tabiri a été finaliste. Le prix commémoratif Tim May a été remis à Gherdai Hassell pour son œuvre « Why We Need Audacity », et le prix Jeune Artiste a soutenu les créatrices émergentes qui débutent leur carrière.
Célébrités et rayonnement international
L'un des moments les plus marquants de la soirée fut la reconnaissance de personnalités reconnues de la scène culturelle internationale : l'actrice devenue peintre Sharon Stone, la sculptrice espagnole Verónica Mar et la peintre abstraite allemande Petra Schott furent honorées lors de la cérémonie. Leur présence apporta non seulement une touche de prestige, mais aussi une dimension internationale qui souligna l'importance de cette distinction bien au-delà des frontières britanniques.
Le gala a démontré que le Prix Femmes dans l'Art n'est pas qu'une simple remise de prix, mais un véritable rassemblement de personnalités marquantes de la culture britannique : critiques, collectionneurs, galeristes et journalistes spécialisés. Le prestige de cet événement réside précisément dans sa capacité à fédérer l'ensemble du milieu artistique autour d'une cause commune : la reconnaissance et la promotion du talent féminin.
Contexte : un écart persistant
Bien que la soirée ait été placée sous le signe de la célébration, le Prix Femmes dans l'Art vise également à mettre en lumière une réalité préoccupante : l'inégalité des sexes dans le monde de l'art. Malgré le fait que plus de 60 % des étudiants en beaux-arts soient des femmes, à Londres, seulement 32 % d'entre elles sont représentées dans les galeries commerciales.
Sur le marché secondaire, la disparité est encore plus marquée. Depuis 2008, les œuvres de Picasso ont généré plus de 6,2 milliards de dollars de ventes, un chiffre qui équivaut à peine au total cumulé des ventes d'œuvres d'artistes femmes à travers l'histoire. Ces chiffres reflètent non seulement un déséquilibre économique, mais aussi une perte de récits et de sensibilités qui continuent d'être occultés.
Une plateforme qui construit l'avenir
Dans ce contexte, le Prix Femmes en Art est bien plus qu'un simple concours : c'est une plateforme qui construit l'avenir. Comme le souligne sa fondatrice, Gabrielle du Plooy, l'objectif n'est pas seulement de décerner des prix, mais aussi de créer des réseaux, d'offrir une visibilité accrue et d'ouvrir des portes aux artistes. La participation à l'exposition collective et la couverture médiatique dont bénéficient les finalistes peuvent transformer des carrières qui, autrement, resteraient confidentielles.
L'édition 2025 a démontré que la simple remise de prix ne suffit pas. Un véritable changement s'opère lorsque les institutions britanniques et l'écosystème artistique international s'engagent à soutenir les carrières, à garantir la représentation des artistes dans les galeries et les musées, et à leur apporter un soutien continu.
Un acte de justice historique
L’exposition des œuvres primées sera ouverte au public à la York Street Gallery de Londres du 18 au 24 septembre 2025. Cet événement permettra aux visiteurs d’apprécier de visu la diversité et la force des voix féminines qui redéfinissent aujourd’hui la scène artistique.
Le Prix des Femmes dans l'Art est, en fin de compte, un acte de justice historique et un investissement pour l'avenir. Car lorsque les femmes créent, l'art s'épanouit. Lorsqu'on leur donne la parole, l'art s'enrichit. Et lorsqu'on les écoute, le monde change.