Le surréalisme, ce mouvement irrévérencieux qui défie la raison et explore les recoins de l’inconscient, continue d’être l’objet d’analyses et de redécouvertes. Loin d’être un phénomène monolithique, son influence s’est étendue au-delà des cercles parisiens et a donné lieu à des interprétations diverses, conditionnées par la géographie, la culture et les circonstances historiques. C'est le point de départ de l'exposition « 1924. « Autres surréalismes », qui met en dialogue les lectures canoniques du mouvement avec ses manifestations périphériques, souvent oubliées ou reléguées.
Commissariée par Estrella de Diego, cette exposition ouvre ses portes le 6 février et peut être visitée jusqu'au 11 mai à la Fondation MAPFRE à Madrid. Avec plus de deux cents œuvres, l’exposition propose une revue du surréalisme au-delà de l’orthodoxie dictée par André Breton. Car, s’il est vrai que le Manifeste du surréalisme, publié en 1924, a posé les fondements théoriques du mouvement, il est également indéniable que son impact a été pluriel et fragmenté. L’exposition ne se limite pas à un simple hommage au centenaire du manifeste susmentionné, mais ouvre la perspective de révéler les tensions, les exclusions et les réinterprétations qui ont donné lieu à d’autres manières de comprendre le surréalisme.
'Armario surrealista', Marcel Jean (1941). © Marcel Jean
L’exposition articule son discours autour de plusieurs sections thématiques qui examinent la relation entre centre et périphérie. La péninsule, bien qu'éloignée des cercles de pouvoir artistique de l'époque, a vu naître des figures fondamentales telles que Salvador Dalí, Luis Buñuel et Joan Miró. Cependant, d’autres créateurs liés au mouvement, comme Nicolás de Lekuona, Maud Bonneaud, Àngel Planells ou Amparo Segarra, n’ont pas reçu la reconnaissance qu’ils méritent peut-être. Un phénomène similaire s’est produit en Amérique latine, où, au-delà de la célèbre scène surréaliste mexicaine, des artistes d’Argentine et du Brésil ont développé leurs propres langages, souvent influencés par des exilés fuyant la guerre civile espagnole ou le nazisme.
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Un autre thème clé de l’exposition est le rôle des femmes dans le surréalisme. Bien que beaucoup d’entre eux aient été des membres actifs du mouvement, ils ont souvent été relégués à un rôle secondaire. Breton lui-même les décrivait comme « beaux et sans nom », leur attribuant un rôle de médiums, comme s'ils étaient de simples canalisateurs de l'inconscient. Cette visibilité conditionnée se traduit par la marginalisation de figures telles que Remedios Varo, Maruja Mallo, Leonora Carrington, Grete Stern ou Toyen, qui, enfin, commencent à retrouver la place qui leur revient dans l'historiographie artistique.
L'exposition a déjà été présentée aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles, et au Centre Pompidou, à Paris. Après sa présentation à Madrid, l'œuvre voyagera à la Hamburger Kunsthalle, à Hambourg, et au Philadelphia Museum of Art, à Philadelphie. À travers un parcours qui comprend la peinture, la photographie, le cinéma et d'autres disciplines, '1924. « Autres surréalismes » nous invite à repenser le mouvement, qui continue d’être une source d’inspiration, dans une perspective plurielle, en ouvrant des espaces à des voix jusqu’alors réduites au silence.
'Cumpleaños', Dorothea Tanning (1942). © Dorothéa Tanning; VEGAP, Madrid, 2025