La salle Artegunea de la Kutxa Fundazioa de Sant Sebastià accueille l'exposition Monstrorum Historia, une proposition de Joan Fontcuberta (Barcelone, 1955), artiste et théoricien de l'image reconnu internationalement pour sa manière de questionner le rôle de la photographie dans la construction de la connaissance.
L'exposition, ouverte jusqu'à fin juin, présente quatre séries qui questionnent la confiance absolue dans l'image comme témoignage objectif et démontrent un regard critique sur la culture technoscientifique. Fontcuberta utilise la figure du monstre comme métaphore pour révéler les fissures dans les systèmes traditionnels de connaissance et, en même temps, pour revendiquer l’invention et le jeu intellectuel comme espaces de résistance. Son travail devient ainsi un champ d’exploration qui questionne l’autorité historique de la photographie dans la validation de vérités scientifiques, politiques ou culturelles. L'exposition s'inspire du livre Monstrorum historia d'Ulisse Aldrovandi, naturaliste italien du XVIIe siècle, qui rassemblait des créatures considérées comme aberrantes par la science de son temps. Ce recueil, à mi-chemin entre rigueur et fantaisie, sert de point de départ à un dialogue contemporain sur la construction du savoir et sur la manière dont ce qui est exclu par les normes établies peut offrir de nouvelles façons d’interpréter le monde.
Dendrita victoriosa, de la sèrie Herbarium, Joan Fontcuberta (1982). Kutxa Fundazioa
Parmi les séries exposées, Fauna est le résultat de la supposée découverte des archives du naturaliste Peter Ameisenhauhen, que Fontcuberta et Pere Formiguera ont trouvées par hasard lors de vacances en Écosse. Ce matériel, dans le style des anciens, comprend des photographies, des dessins de terrain, des cartes, des notes manuscrites, des enregistrements sonores et des spécimens disséqués d'espèces jamais documentées auparavant. Dans What Darwin Missed, Fontcuberta reprend l'histoire de la célèbre expédition Beagle et explore les îles Galapagos près de deux siècles après la visite de Darwin. À travers la photographie de coraux passés inaperçus du naturaliste britannique, comme les Cryptocnidaires, une espèce récemment découverte, l’artiste ouvre une réflexion sur les limites de la connaissance et sur tout ce qu’il nous reste à découvrir.
Montipora aequituberculata, de la sèrie What Darwin Missed, Joan Fontcuberta (2024). Kutxa Fundazioa
Herbarium, inspiré de l'œuvre de Karl Blossfeldt, présente un ensemble d'images qui documentent des formes végétales étonnamment excentriques, évoquant la tradition taxonomique et la photographie d'avant-garde. En revanche, eHerbarium réinterprète ces images à travers des algorithmes de visualisation générative, où la nature est transformée par une intervention technologique et suggère un dialogue entre le passé et le présent de l'imagerie scientifique. Enfin, HeghDI' vem ghaH, tu'lu' Dinosaur plonge dans la science-fiction, reliant l'univers de Star Trek à une hypothèse délirante selon laquelle les dinosaures auraient été les animaux de compagnie des Klingons, l'une des races qui disputaient la domination de la galaxie aux humains.
La visite, organisée par Sonia Berger , nous guide à travers l'évolution créative de l'artiste, de sa production analogique des années 1980 à ses œuvres les plus récentes, co-créées avec l'intelligence artificielle. À l’heure où la prolifération des images générées par l’IA rouvre le débat sur la crédibilité de la photographie, Monstrorum Historia se présente comme une réflexion essentielle sur la construction des connaissances et la fragilité des certitudes visuelles qui nous entourent.
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